Pollution aux PCB : Les broyeurs à métaux de Châtelet responsables d’une surexposition des riverains

Les PCB ou Poly-Chloro-Biphényls sont des produits chimiques toxiques interdits depuis 1987 mais qui ont été très largement utilisés notamment dans des installations électriques mais également dans des produits de consommation. Cependant, même plus de 30 ans après leur interdiction, ils continuent à faire parler d’eux ! Présents notamment dans nos déchets, ils se retrouvent parfois dans les matériaux recyclés.

Que sont les PCB ?

Les PCB sont des polluants organiques persistants (POP) cancérigènes et perturbateurs endocriniens. La majorité des pays d’Europe n’ont aucune loi sur la règlementation des émissions de PCB totaux pour les broyeurs à métaux. Dans la région Wallonne, les valeurs limites d’émission (VLE) de PCB totaux pour les broyeurs à métaux est de 100 ng/m³. A titre de comparaison, la Suède et le Danemark qui possèdent également une règlementation, fixent une VLE 200 fois plus élevée : 20 000 ng/m³. Les autres pays d’Europe n’ont, à l’heure actuelle, pas de règlementation sur l’émission de PCB totaux pour les broyeurs à métaux.

Les industries ont l’obligation de contrôler leurs émissions en polluants

Est-ce que les broyeurs à métaux émettent des PCB ?

Les rapports de surveillance de la Région Wallonne en Belgique concernant les émissions de PCB produites par les broyeurs à métaux ont montré de nombreux dépassements, tout comme les rapports d’autocontrôle des entreprises. Pour certains broyeurs, les valeurs mesurées étaient très supérieures aux normes d’émission autorisées actuellement. C’est ce constat qui a poussé une équipe de journalistes d’investigation de la RTBF à réaliser une enquête minutieuse sur la pollution aux PCB engendrée par ces installations industrielles.

L’un des volets de l’enquête a été consacré à l’exposition aux PCB des populations riveraines des broyeurs à métaux. En raison des concentrations atmosphériques en PCB parmi les plus hautes jamais rapportées dans la littérature, le broyeur à métaux de l’entreprise COMET-SAMBRE située à Châtelet au sud de Charleroi en Belgique a retenu l’attention de l’équipe de journalistes.

Des analyses de cheveux pour évaluer l’exposition aux PCB

L’équipe du magazine #INVESTIGATION a choisi d’utiliser les kits d’analyse des PCB dans les cheveux proposés par Kudzu Science pour étudier l’exposition des riverains aux PCB. Au mois de janvier 2021, des échantillons de cheveux ont été prélevés auprès de 50 volontaires situés dans un rayon de 500 m autour du broyeur de Châtelet et dont les logements sont situés dans l’axe des vents dominants. Des cheveux ont également été prélevés sur 20 volontaires habitant à Nalinnes située à 10 km de Châtelet pour constituer un groupe témoin qui ne subit pas les émissions du broyeur à métaux.

Il existe 209 PCB différents en fonction du nombre et de la position des atomes de chlore sur la molécule de biphényl. Dans cette famille, une série de 18 PCB, qui représente plus de 90% des PCB produits, a été recherchée dans les échantillons de cheveux. Il s’agit de 6 PCB « Indicateurs » et de 12 PCB « Dioxin-like ».

Structure de base des molécules de PCB

Les cheveux conservent dans leur structure les traces de l’imprégnation de l’organisme au moment de leur synthèse dans le cuir chevelu. Ils poussent de 1 cm par mois et l’analyse d’une mèche de 3 cm permet d’évaluer l’exposition moyenne d’une personne au cours des 3 derniers mois. C’est pour cette caractéristique que les cheveux sont utilisés pour étudier l’exposition chronique aux substances toxiques.

Les riverains des broyeurs à métaux sont-ils plus exposés aux PCB ?

Les résultats des analyses sont sans appel :

  • Le groupe de Châtelet présente une concentration moyenne de PCB presque 3 fois plus importante (31,3 pg/mg) que le groupe témoin de Nalinnes (10,9 pg/mg)
  • Pour tous les PCB détectés dans les échantillons, les concentrations moyennes pour le groupe de Châtelet sont systématiquement supérieures à celles du groupe de Nalinnes
  • Pour certains PCB, les fréquences de détection sont plus élevées pour le groupe de Châtelet que le groupe de Nalinnes et deux PCB (PCB157 et PCB167) sont présents uniquement dans les échantillons du groupe de Nalinnes.

Les PCB sont bioaccumulables, ce qui signifie que plus une personne est âgée et plus son organisme contient de PCB. Cette propriété ne permet pas d’expliquer la surexposition aux PCB des riverains du broyeur à métaux puisqu’elle est observée à la fois pour les personnes de moins de 40 ans (16,0 pg/mg pour Châtelet et 5,1 pg/mg pour le groupe de Nalinnes) et pour les personnes de plus de 40 ans (42,4 pg/mg pour Châtelet et 18,0 pg/mg pour Nalinnes).

L’équipe de la RTBF a accompagné cette campagne de mesures d’un questionnaire pour mieux connaitre les habitudes des participants (lieu de travail, consommation de poisson à chair grasse, de fruits et légumes du potager, d’œufs du poulailler et de tabac). A partir de ces informations, des comparaisons de populations ont été effectuées et montrent que les habitudes des participants ne permettent pas d’expliquer les différences d’exposition observées entre les deux groupes, suggérant fortement que l’exposition du groupe de Châtelet est d’origine environnementale.

Les résultats de l’étude montrent également que la concentration de PCB diminue lorsque l’on s’éloigne du broyeur à métaux. Cette observation vient renforcer l’hypothèse que l’origine de l’exposition des habitants de Châtelet est liée aux émissions du broyeur à métaux de la société COMET-SAMBRE.

Le travail d’enquête de l’équipe #INVESTIGATION de la RTBF et les analyses de cheveux ont permis de mettre en évidence la différence d’exposition entre les deux groupes et l’implication des émissions du broyeur à métaux dans la surexposition aux PCB des habitants de Châtelet.